Le travail et la construction de la subjectivité dans le capitalisme néolibéral contemporain
Traditionnellement, l’histoire du travail contemporain s’inscrit dans une chronologie qui commence par la première révolution industrielle (celle de la machine à vapeur actionnée par le charbon, qui culminera dans la chaîne fordiste), se poursuit avec la deuxième révolution industrielle actionnée par le pétrole suite à la Seconde Guerre mondiale – qui alimentera ce que l’on appelle le post-fordisme –, et céderait la place à la troisième révolution qui s’est produite avec la numérisation et le processus de mondialisation qui a vu le jour dans les années 80 du siècle dernier, et culminerait avec ce que nous appelons actuellement la quatrième révolution industrielle, soutenue par le développement de l’intelligence artificielle et de la robotisation.
Mais cette ligne temporelle continue, si chère à l’Occident moderne et à son idée de progrès indéfini, est cependant beaucoup plus complexe et fragmentée, impliquant des processus d’assujettissement brutaux. Ni l’industrialisation et ses conséquences ultérieures n’ont été les mêmes sur tous les continents, ni la supposée « immatérialisation » progressive du capitalisme ne sont vraies. Derrière le capitalisme informationnel d’aujourd’hui, il y a une énorme quantité de travail « matériel » qui est principalement effectué par des personnes racisées et, qui plus est, fortement féminisées. Non seulement le travail « reproductif » invisible et mal payé ou non payé (et socialement dévalorisé), mais aussi d’énormes quantités de travail dans des industries polluantes ou lourdes, qui ont été délocalisées hors de l’espace occidentalo-centré (Chine, Inde, Indonésie… les grandes usines du monde actuel).
Les dernières décennies du XXe siècle et le début du XXIe siècle coïncident avec l’alignement du néolibéralisme sur le capitalisme et la révolution technologique provoquée par la numérisation, la robotisation et la financiarisation de l’économie (la nouvelle niche du capital, dont l’accumulation a été ralentie par les frontières mêmes de la capacité productive et les limites de la planète). (…) Le travail le plus visible devient immatériel, la génération et la diffusion d’informations qui n’appartiennent pas à ses travailleurs, dépossédés de la connaissance produite et cooptée par le semi-capitalisme néolibéral : le capitalisme de plateforme cache l’exploitation et l’hyper-flexibilité sous la légèreté du téléphone portable-bureau ; les « faux indépendants » se généralisent ; l’université devient une course contre la montre pour la quantification d’un savoir non émancipateur au service du pouvoir ; les données fournies par chacun gratuitement sur les réseaux sociaux alimentent le pouvoir vectoriel des grandes entreprises (Google, Amazon, Facebook…) possédant une énorme quantité d’informations totalement asymétriques.
En dehors de l’usine, la métropole contemporaine devient un lieu de production, et nos vies se déroulent sans différence entre le temps de vie et le temps de travail/emploi parce que tous les interstices de nos vies ont été capturés par le capital, contrôlés par la rentabilité. Le travail n’est pas seulement une façon de « gagner sa vie » en la perdant, mais il devient la stratégie fondamentale pour discipliner nos corps et nos subjectivités.
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