Souveraineté(s) visuelle(s) : Table ronde au Centro de Arte Santa Mónica

Dans le cadre de l’exposition L’oeil impératif de l’artiste María Ruido, cette table ronde propose une réflexion transversale sur le rôle que le régime visuel acquiert au sein des processus coloniaux et néo-coloniaux, compris non pas exclusivement sur la base de l’exploitation économique ou de l’interventionnisme politique, mais comme une hiérarchie de la pensée ou une hégémonie épistémologique. À partir des propositions du film, centrées sur l’étude de cas du Maroc, mais en mettant d’autres exemples sur la table, nous chercherons à réfléchir sur les possibilités de construction d’une souveraineté visuelle en dehors du système hégémonique nord-ouest / néolibéral, et par extension, à nous demander dans quelle mesure une véritable souveraineté visuelle est possible et quel rôle elle a dans la définition d’autres imaginaires culturels, esthétiques et sociaux.

À partir de cela, nous chercherons également à remettre en question notre situation actuelle, au moment où l’idée de souveraineté traditionnelle est en train de muter, liée au poids énorme acquis par les institutions supra-étatiques telles que l’OTAN ou l’UE, qui liquident l’idée d’État-nation du XIXe siècle. Dans cette carte actuelle, comment les relations néocoloniales – internes et externes – sont-elles redéfinies ? Dans quelle mesure les nouvelles voix de la souveraineté populaire revendiquent-elles de nouvelles définitions du pouvoir, de la souveraineté politique et de la nation ? Comment ces nouvelles formes de pensée affecteront-elles les imaginaires collectifs ? Sommes-nous en mesure, avec ces nouveaux outils et scénarios, de repenser le système visuel sous l’angle de la pluralité, des différences et des altérités multiples, ou le système visuel continuera-t-il à être ancré dans un lien endémique avec les oligarchies (comme les événements spectaculaires, le marché et la résistance des institutions du cinéma d’art semblent le réaffirmer) ? Parviendrons-nous, en somme, à redéfinir le concept de souveraineté visuelle et à l’actualiser en fonction des nouveaux besoins d’une « multitude » collectivement intelligente ?

Cette table ronde croisera les recherches qui articulent le projet de R+D Modernité(s) décentralisée(s) : art, politique et contre-culture dans l’axe transatlantique pendant la guerre froide (MoDe(s) (HAR2014-53834-P). Elle est proposée comme la continuation de la journée d’étude du 18 novembre intitulée Modernité(s) décentralisée(s) : pratiques artistiques et modèles de résistance politique entre l’Atlantique et le Pacifique de la guerre froide à la mondialisation.

Participants

María Ruido (modératrice) est artiste, chercheuse et conférencière au département de l’image de l’université de Barcelone. Depuis 1998, elle développe des projets interdisciplinaires sur la construction sociale du corps et de l’identité, les imaginaires du travail dans le capitalisme post-fordiste, la construction de la mémoire et ses relations avec les formes narratives de l’histoire. Plus récemment, elle travaille sur les nouvelles formes d’imaginaires décoloniaux et leurs possibilités d’émancipation.

Jonathan Harris est professeur d’études d’art et de design global à l’université de Southampton au Royaume-Uni. Il est directeur du Centre for Global Futures in Art, Design and Media. Harris est l’auteur et l’éditeur de vingt livres, dont Modernism in Dispute : Art since the 1940s (Yale UP 1993),Federal Art and National Culture (Cambridge UP 1995), The New Art History (Routledge 2001) y The Utopian Globalists: Artists of Worldwide Revolution, 1919-2009 (Wiley-Blackwell 2013). Harris édite la collection n pour les livres de Global Futuresnte, notamment de Southampton au Royaume-Uni. Il est directeur du Centre for Global Futures Value : Art : Politics pour Liverpool University Press et, avec Menene Gras (Casa Asia), Contemporary Art in Global Asia (IB Tauris). Ses prochains livres sont Contemporary Art in a Globalized World (Wiley-Blackwell) et The Myth of the Art Market : Neoliberalism in the Social Order of Contemporary Art (IB Tauris).

Paula Barreiro López est chercheuse principale au MoDe(s) et chargée de cours dans le cadre du programme Ramón y Cajal du département d’histoire de l’art de l’université de Barcelone. Depuis 2007, sa carrière professionnelle s’est développée au sein d’institutions européennes telles que l’Institut National d’Histoire de l’Art (Paris), l’Université de Liverpool, l’Université de Genève et d’institutions espagnoles comme l’Instituto de Historia del CSIC. Elle effectue des recherches sur les échanges artistiques, la critique d’art, les politiques et les réseaux culturels en Europe et en Amérique latine pendant la guerre froide, en analysant les multiples développements de la modernité dans un contexte déjà mondialisé. Ses dernières publications sont Modernidad y vanguardia : rutas de intercambio entre España y Latinoamérica, 2015 (édité avec Fabiola Martínez) ; Crítica(s) de arte : discrepancias e hibridaciones de la Guerra Fría a la globalización, 2014 (édité avec Julián Díaz) ; La abstracción geométrica en España, 2009. Elle est membre du comité scientifique et culturel des Archives de la Critique d’Art (Rennes), du comité éditorial de Critique d’Art, du groupe de recherche Agaur : Art, Globalisation et Interculturalité de l’Université de Barcelone et fait partie du groupe de recherche Péninsule. Processus coloniaux et pratiques artistiques et curatoriales (Centre d’Estudis, Museo Reina Sofía).

Olga Fernández López : Elle enseigne au département d’histoire et de théorie de l’art (Universidad Autónoma de Madrid) et conférencière invitée au département de conservation de l’art contemporain (Royal College of Art, Londres). Elle a participé à un projet de recherche européen (Musées et bibliothèques à l’ère des migrations) et fait partie d’un groupe de recherche consolidé, SUMA : Universidad + Museo (Universidad Complutense de Madrid), tout en coordonnant le groupe Península. Procesos coloniales y prácticas artísticas y curatoriales (Centro de estudios del Museo Reina Sofía). Elle a travaillé comme conservateur en chef au musée Patio Herreriano (Valladolid). Elle a publié, entre autres, Simetries and Slight Anachronisms : Speculating on Modern Art in Latin America (Museo Reina Sofía, 2013), Site-specific Journey : Institutionality and Imagination (Matadero, Madrid, 2011), Just What is it that Makes ‘Curating’ so Different, so Appealing (oncurating.org, 2001). Elle est coordinatrice du cours Colonialité, conservation et art contemporain (Universidad Internacional de Andalucía, 2012). Elle effectue des recherches sur les spécificités du médium d’exposition et les possibilités critiques de la pratique curatoriale.