Arts et écrits rebelles : images dissidentes et résistance de la langue

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Colloque International
Arts et écrits rebelles : images dissidentes et résistance de la langue
11 – 15 mai 2022
Centre Culturel International de Cerisy, Cerisy-la-Salle

Se rebeller, c’est repartir en guerre nous dit l’étymologie (Le Robert, en ligne). Placée dans une perspective historique, cette définition conduit à repenser la rébellion sous une forme sinon cyclique du moins récurrente et à reconnaître que l’histoire s’écrit au prisme de l’insatisfaction de « (celui, celle) qui se révolte contre l’autorité du gouvernement légitime, d’un pouvoir établi. » (CNTRL, en ligne). Repartir implique volontiers un acte de réinvention des pratiques tant artistiques que sociales ou politiques et il faut faire crédit à la rébellion et à la dissidence d’une capacité d’inventivité qui atteint l’ensemble des créations humaines, y compris, bien sûr, les arts, en vertu du principe qu’ « il y a une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance. » (Deleuze, 1987).  Depuis le processus d’autonomisation du champ de l’art au XIXe siècle (Bourdieu, 1992) et dans un cadre social de multiplication rapide des actions collectives au cours des dernières décennies [du XXe siècle] (Tarrow, 1993), il est possible de penser l’art dans la société comme un passage du « je » au « nous », de l’artiste au collectif. Dans son article « Art et contestation », Justyne Balasinski revient sur les liens entre les arts et les acteurs de la revendication sociale et souligne que « [l]oin de cette dichotomie entre artistes et militants, les modalités de ces relations [engagements collectifs, d’artistes, emprunts esthétiques et récupérations militantes de l’art] se distribuent selon un continuum allant de l’engagement artistique à l’esthétisation des mouvements sociaux. » (Balasinski, 2009).

Pour insister sur cette articulation toute politique, il n’est pas superflu de rappeler que « […] le propre des artistes étant leur aptitude particulière à la manipulation de symboles, cette habilité spécifique les prédispose à jouer un rôle prépondérant dans ces luttes symboliques que sont aussi, et nécessairement, les luttes sociales et politiques (y compris les plus « matérialistes » d’entre elles). Tout mouvement social impliquant ce que David Snow (2001) appelle un travail de signification entendu comme activité de construction de sens qui implique ou vise à la fois ses membres, ses sympathisants et ses adversaires. » (Balasinski et Mathieu, 2010) Or, ce travail met à jour « [l]es relations de domination [qui] sont aussi des relations de résistance. » (Scott, 2008) C’est donc à une tension incessante et fructueuse que sont soumis les arts rebelles. Si, comme l’affirme le manifeste Pour un art révolutionnaire indépendant (Breton, Rivera/Trotsky, 1938), « L’art ne peut être que révolutionnaire », il semble à propos de revenir, aujourd’hui, à l’ère de l’explosion exponentielle des images en ligne, sur le réservoir visuel immense que nous avons reçu pour en interroger l’impact, en mesurer l’héritage et en dessiner les filiations ou les ruptures. Cet ensemble de peintures, de photographies, de films, d’affiches, de graffitis méritent que l’on se penche sur l’histoire qui en a été faite, sur les méthodologies de l’analyse dont les œuvres ont fait l’objet tout autant que sur les écrits produits sur et à partir des arts visuels, quand les artistes ont choisi de désobéir.

Plus de soixante-dix ans après la célèbre définition de l’artiste engagé par Sartre, qui estimait que « Parler, c’est agir : toute chose qu’on nomme n’est déjà plus tout à fait la même, elle a perdu son innocence » (1947), ce colloque se propose d’analyser les reconfigurations actuelles de la résistance dans l’art, en interrogeant notamment ses modalités et stratégies de prédilection dans un monde globalisé et hyper-médiatisé. Il s’agira ainsi d’étudier en quoi l’émergence de nouvelles épistémologies ont pu profondément modifier le statut de l’art, en faisant entrer dans le champ de la connaissance certaines pratiques artistiques autrefois inexistantes, méconnues ou méprisées.

Nous avons retenu de nous intéresser non pas à une aire culturelle mais à un réseau de relations : celles du monde dit occidental articulé aux mondes des « Suds ». Cette double articulation permettra d’envisager l’orientation dominante en l’inscrivant dans son histoire coloniale ou néo-impériale. Ces géographies en tension ont expérimenté des formes de rébellions et des révolutions multiples et diverses, mais aussi des manières de vivre la démocratie et de revendiquer des libertés individuelles qui ont été fécondes pour la création. Dans le système complexe de la dernière mondialisation, les crises de la démocratie posent aussi la question d’une possible actualisation des savoirs issus des résistances postcoloniales, qui font eux-mêmes l’objet d’une réévaluation critique dans une perspective décoloniale (Mignolo, Quijano, Moraña, Richard, Rivera Cusicanqui). De même, les études queer et sur le genre, par leur commun effort de décloisonnement et de dénaturalisation, ainsi que par leur insistance sur la « théâtralité du genre » (Butler, 2009), incitent à repenser notre perception traditionnelle de la nature et de la fonction de l’art à partir d’une nouvelle conception du sujet, dont les conséquences concernant la figure, le rôle et le pouvoir de l’artiste restent à étudier. Ainsi, la possibilité de résister ou de désobéir se dérobe d’autant plus que le sens de la révolte est devenu ambigu : qui sont les vrais rebelles ? face à quels oppresseurs ? et pour quels effets ?

C’est une pensée rebelle et inventive de la dissidence dans les arts et les écrits que cherchera à examiner ce colloque. Si, à en croire Edward Said, l’art de la contra-diction pourrait être le propre de l’art, ce sont aussi les résistances « infrapolitiques » (Scott) respectives de la littérature et des arts visuels que nous interrogerons. Explorer la portée créatrice de l’image et de l’écrit rebelles, à la fois comme représentation de la rébellion mais aussi comme ce qui résiste à l’analyse, tel est le but de ce colloque qui convie ses participants à une sorte d’archéologie de l’imaginaire visuel et textuel, à l’époque contemporaine, exploration archéologique que l’on voudra résolument pluridisciplinaire, transnationale, historique et esthétique.

Affiche
MERCREDI, 11 MAIJEUDI, 12 MAIVENDREDI, 13 MAISAMEDI, 14 MAIDIMANCHE, 15 MAI

Après-midi

Accueil des participants

Soirée

Présentation du Centre, des colloques et des participants

Matin

Performance, une corpopolitique des arts?

Juan Albarrán (Universidad Autónoma de Madrid), Santiago Sierra et les sujets de la résistance

Béatrice Josse (Magasin des horizons), Contre l’art des œuvres d’art

Lawrence La Fountain-Stokes (University of Michigan), Transformisme et politique dans les Caraïbes hispanophones (Cuba et Porto Rico)

Après-midi

Les contre-narrativités

Paula Barreiro López (Université Grenoble-Alpes), De retour à l’archive visuelle révolutionnaire : pratiques artistiques mondialisées et leurs spectres tricontinentaux

Michèle Soriano, Créations collectives dans le cinéma contre-hégémonique argentin

Pascale Thibaudeau (Université Paris 8), Contre la normativité du visible : les nouveaux paris cinématographiques d’Ainhoa Rodríguez

Soirée

Hommage à Anne-Laure Bonvalot (1983-2022) — Lecture de textes

Matin

Résistance de la langue, à l’intersection des voies/x rebelles

Florian Alix (Sorbonne Université), Réécriture de l’Histoire coloniale au féminin : médiation et sensation chez Assia Djebar (La Femme sans sépulture), Anna Moï (Riz noir) et Léonora Miano (La Saison de l’ombre)

Sylvie Servoise, Les « romans à voix » de Lyonel Trouillot : l’égalité en acte ?

Patrick Savidan, Résister avec Adorno : l’art et la manière

Patrick Savidan, Résister avec Adorno : l’art et la manière

Après-midi

Pratiques artistiques du sud global, entre décolinialité et normalisation

Julia Ramírez-Blanco (Universidad de Barcelona), Vers une iconographie des contre-cultures anti-industrielles

Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo (Université de la Réunion), Créer et éditer depuis l’océan Indien : pratiques rebelles ou normalisation de l’expression artistique ?

Soirée

Lawrence La Fountain-Stokes : Cabaret tropical (performance)

Matin

« On se lève et on se casse » (virginie despentes)

Claire Laguian (Université Paris 8), Les nouvelles Guérillères lesbiennes dans la poésie espagnole contemporaine

Meri Torras (Universidad Autónoma de Barcelona), Se rebeller pour écrire et pour aimer : La insumisa de Cristina Peri Rossi

Nathalie Watteyne (Université de Sherbrooke), Femmes, colère et poésie au Québec : Carole David, Monique Deland et Natasha Kanapé Fontaine

Après-midi

Détente

Soirée

María Ruido (Universidad de Barcelona), Autour de Estado de malestar, film-essai sur la folie comme forme de résistance (visioconférence)

Matin

Subjectivités et esthétiques rebelles

Romuald Fonkoua, Léon-Gontran Damas, les voies rebelles de l’anthropologie et de la poésie

Nadia Louar (Universitñe Wisconsin-Oshkosh), Les postures insolentes de Virginie Despentes

Inès Horchiani, Gazelle théorie, une expérience d’écriture rebelle

Atelier de clôture du colloque, avec les doctorantes Cristina Garcia Martinez (S. Kerfa – UGA), Sihong Lin (E. Lloze – UJM) et Juliette Stella & Murielle Vauthier (Y. Parisot – UPEC)

Après-midi

Départs

Direction: Idoli Castro (Université Lumière Lyon 2), Sonia Kerfa (Université Grenoble Alpes), Sophie Large (Université Tours), Evelyne Lloze (Université Saint-Étienne), Yolaine Parisot (Université Paris-Est Créteil)